« Mémoire des pierres »

du 14 janvier au 21 mars 2020

Juliette Le Roux

Adrien Basse-Cathalinat

Vernissage le jeudi 16 janvier à 18h30

Dans le manuscrit d’un projet d’article intitulé « La photographie et les excursions à pied », Arthur Batut écrit « Il n’y a qu’un seul moyen de locomotion au point de vue du touriste, et surtout du touriste photographe, c’est la marche. » et plus loin il ajoute : « Le mouvement que procure la marche semble d’ailleurs se communiquer à la pensée ; l’esprit devient plus apte à recevoir les impressions que les objets extérieurs provoquent en lui. ».

Juliette Le Roux et Adrien Basse-Cathalinat, même s’ils ne sont pas des touristes, pourraient reprendre à leur compte ce propos de l’illustre photographe labruguiérois. Les clichés de paysages montagneux, que ce soit ceux du Kirghizstan pour Juliette Le Roux ou ceux des Pyrénées pour Adrien Basse-Cathalinat, sont le fruit d’une méditation sur les relations entre l’homme et son territoire, celle-ci n’ayant pu émerger que dans un processus long de confrontation physique à des territoires rudes et abrupts.

Dernier opus d’un cycle de trois expositions sur l’environnement (végétal avec l’exposition « Ronds de lune » au premier trimestre 2019, animal avec la dernière édition du festival A ciel ouvert) c’est le minéral, et plus particulièrement le paysage de montagne, qui est au cœur du travail de ces deux jeunes photographes présentés à L’Espace photographique Arthur Batut.

Juliette LE ROUX

Voyage et photographie sont indissociables dans la démarche photographique de cette jeune artiste qui, pour l’exposition à Labruguière présente Le bruit des pierresensemble de trois séries en noir et blanc réalisées en 2017 lors d’un voyage au  Kirghizstan, et  Nós somos o caminho, une série de photographies en couleur et noir et blanc, issues de rencontres avec des pèlerins à l’occasion d’une marche de 250 km sur les chemins de Saint-Jacques au Portugal.

" Le bruit des pierres "

Juliette Le Roux s’intéresse aux roches et les photographie. Au Kirghizstan, où elle a voyagé d’octobre à décembre 2017, les hautes montagnes, les pistes, les pierres gravées ou encore celles utilisées pour la construction, l’ont interpellée. Le sentiment qu’en cette matière minérale résidait une autre histoire qu’on ne saurait dire en langage humain, a guidé ses pas et son objectif. Ces roches, porteuses de mémoires millénaires, gardiennes d’histoire et de savoir, sont manipulées et transformées par la main de l’homme : elles racontent et se taisent à la fois.

 

« Le bruit des pierres » se décline en trois séries de photographies noir et blanc :

 

Pierres millénaires : Le Kirghizstan est un pays de montagnes, bordé par la chaîne Tian Shan. Les monts sont situés au sud-est de la mer intérieure que forme le lac salé d’Yssik Koul. Cette série propose une vision des Montagnes Célestes avec ses paysages rocailleux et arides.


Pierres urbaines : A Karakol et à Semenovka, deux territoires en plein développement urbain, les constructions témoignent de l’omniprésence de  la pierre dans le bâti, qu’il soit ancien ou moderne.


Pierres sacrées : Blocs de pierres et pétroglyphes renvoient dans cette série à la dimension magique du rapport de l’homme à son environnement. Ce sont en quelque sorte les traces des échanges que l’homme a entretenus dans des temps retirés avec le surnaturel.

" Nós somos o caminho "

« La série d’images présentée ici est le fruit de la rencontre avec des pèlerins qui ont effectué le même parcours et dont le corps a éprouvé l’expérience de la marche et en portent les traces : Nós somos o caminho, (Nous sommes le chemin) ».

Les chemins de Compostelle sont les itinéraires empruntés par les pèlerins pour se rendre à Saint-Jacques de-Compostelle, au nord de l’Espagne. Itinéraire culturel, ce pèlerinage participe à la valorisation de l’histoire, du patrimoine et de la mémoire commune européenne. Au Portugal, plusieurs tracés cheminent jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle, et ce sont plus de 65 000 pèlerins qui empruntent chaque année ces voies et parcourent un long voyage avec au départ une intention et un intérêt particulier.

« Je suis partie sur les Chemins de Compostelle avec un sac à dos, au départ d’Oporto. J’ai marché une distance d’environ 250 km à pieds. Je vivais en extérieur et les cycles de marche rythmaient mon quotidien. La marche, c’est un mouvement au rythme relativement lent, qui s’articule entre flux et reflux. On est dans l’espace, on s’y tient dans la verticalité. On s’inscrit ainsi dans un territoire, et on y prend physiquement part. C’est l’expérience d’une réalité géographique. Plastique, notre corps s’adapte et se transforme. Sous la voûte plantaire se dessine aussi les Chemins.

J’ai emporté lors de ce voyage un appareil argentique Canon EOS 1000 et des pellicules couleurs et noir et blanc, avec l’intention de documenter ma marche. La prise d’une image amène un dialogue, entre le mouvement et l’arrêt, entre la personne qui s’immobilise devant l’objectif et celle qui fabrique l’image. »

– Juliette Le Roux 

Adrien BASSE-CATHALINAT

Depuis quelques années, Adrien Basse-Cathalinat développe une réflexion précise autour de deux axes majeurs: la notion d’identité, notamment à travers l’étude de la culture pyrénéenne, et la relation entre l’Homme et le paysage. Ces deux axes sont particulièrement présents dans les deux ensembles photographiques présentés à Labruguière.

" La Ligne "

« FRONTIERE :

1. Limite séparant deux zones, deux régions, caractérisée par des phénomènes physiques ou humains différents. 

2. Ce qui constitue le terme extrême, ce qui marque la fin d’une chose et le début d’une autre. 

3. Ligne séparant deux pays. »

Souvent assimilées à une notion de séparation, les frontières peuvent révéler des espaces communs de rencontre, où le partage culturel et la cohésion territoriale favorisent l’effacement de ces lignes, et donnent naissance à de véritables identités transfrontalières. Le Col du Pourtalet, situé entre Béarn et Aragon, est un territoire bivalent, témoin et acteur des liens tissés entre ses habitants. Carte d’identité de cet espace, ce projet questionne la notion de frontière en mettant en lumière les espaces frontaliers et les différentes interactions entre les peuples. Il montre comment l’échange et l’empathie permettent à deux territoires de cohabiter.

" Camin "

Du 7 au 10 Avril 1938, plus de 500 réfugiés républicains fuient les troupes franquistes et traversent la frontière par le port de Salau alors enneigé. Arrivés au village de Salau, ils sont vaccinés sur place, sous la mairie. Les enfants et les femmes sont amenés en car à Seix alors que les hommes quant à eux, doivent descendre à pied. Tous seront acheminés en train, de Saint-Girons à Rodez.

« Réalisé lors de l’édition 2018 de la «résidence d’expérimentation et de recherche» du château de Seix, cette expérience m’a permis d’amorcer un travail autour de l’idée d’une relation entretenue entre « Paysage » et « Identité ». J’appréhende la montagne non pas comme une frontière séparatrice, mais comme un élément patrimonial créant des liens identitaires entre les différentes communautés de ce territoire. La nationalité, le langage, l’histoire ou la culture sont des facteurs variables qui différencient les peuples, même proches géographiquement, mais le Paysage environnant et les contraintes naturelles qui en découlent donnent une certaine unicité dans ces différentes identités.

Lors de cette résidence j’ai exploré le territoire Couseranais, recherché la vision singulière développée et la relation d’intimité créée avec le paysage environnant, notamment à travers l’étude et la découverte du patrimoine culturel immatériel, naturel et mémoriel que représentent les passages et chemins d’altitude. La montagne est très souvent personnalisée dans l’imaginaire collectif et ces chemins sont les moyens de la conquête humaine des sommets, de l’appropriation du Naturel par l’Homme. »

– Adrien Basse-Cathalinat

PORT DE SALAU
Alt. 2087 m
Borne Frontière 422
42°44’23’’N - 01°07’52’’E
ALÒS D’ISIL - SALAU : 8h
20 Km - D+ 800m D- 1100m