Et toi, d'où viens tu ?

ELISA HABERER

du 6 novembre 2023 au 24 février 2024

Vernissage le 10 novembre à 18h30

Extrait de "Mémoire d'une perception" - 2021

La mémoire, la filiation et la transmission ont une place centrale dans le travail de la photographe Élisa Haberer .
Elle part le plus souvent de sa propre expérience pour nous interpeller sur des questions auxquelles chacun de nous est confronté : d’où je viens ? (que ce soit un territoire ou une filiation), quelle mémoire je conserve des lieux et des générations qui m’ont précédé ? Que veux je transmettre à mes descendants ?
De la Chine, dans les années 2010, au Tarn ces deux dernières années, l’exposition à l’Espace photographique Arthur Batut revient en grande partie sur le parcours photographique de cette artiste qui, en parallèle de ses recherches personnelles, réalise de très nombreux portraits pour la presse française et internationale ainsi que pour des institutions publiques et culturelles.

L’exposition à Labruguière présente différents travaux de l’artiste réalisés depuis vingt ans où la photographe s’attache à questionner les mécanismes à l’oeuvre dans la constitution d’une image de soi. Des histoires, comme autant de « narrations subjectives », émergent de cette quête photographique.

Une trilogie

Une trilogie composée de trois travaux ancrés dans son histoire personnelle constitue le cœur de l’exposition :
– Le premier volet, La couleur des Tumuli, se présente sous la forme d’une quête de souvenirs dans un endroit que la mémoire a oublié. L’artiste y propose une fiction sous forme d’un parcours de 24h (en réalité c’est le résultat de trois voyages consécutifs) dans une petite ville de Corée du sud (Gyeongju), où elle est née mais dont elle n’a aucun souvenir car elle l’a quittée étant encore bébé.
 – Le deuxième, La Maison de Bourgogne, est la construction fictionnelle d’une mémoire familiale par la figure revisitée de l’album de famille. À partir de cinq points fixes choisis à l’extérieur et à l’intérieur de la maison, ce sont les fragments de vie de quatre générations qui vont se côtoyer, se croiser, cohabiter des années 50 à nos jours. Réalisé via un jeu de montage et de collage, ce huis-clos créé à partir d’archives familiales et de photographies contemporaines est une mise en scène où se croisent passé et présent.
– Le troisième, Mémoire d’une perception, est le récit d’un voyage purement mémoriel : les images des traces laissées dans la mémoire par des souvenirs d’enfance et révélées lors de séances d’hypnose. Ces images sont la reconstitution de ces impressions croisées de souvenirs-éclairs, des images mentales d’une certaine façon. À partir de paysages de son enfance dans le Vercors, des couleurs et des lumières qu’elle a vues sous hypnose, Élisa Haberer a cherché le point d’équilibre, celui qui rentre en résonance avec l’image telle qu’elle lui est apparue.

Retour sur deux résidences récentes dans le Tarn

 – Au cours de l’été 2022, dans le cadre d’un partenariat avec le festival « Échos d’ici, Échos d’ailleurs », Élisa Haberer est venue en résidence à Labastide-Rouairoux pour rencontrer les habitants de ce territoire. Le thème du festival qui était « Elle est où ma place ? » a été le point de départ de nombreuses collaborations photographiques, aussi bien avec les aîné(e)s de la maison de retraite qu’avec les enseignants du collège, sans oublier les vendeurs sur le marché et d’autres habitants du bourg. Cette résidence a été une opportunité pour elle d’investir un territoire complètement nouveau. Deux séries de photographies réalisées lors de la résidence seront présentées dans l’exposition.
– Lors d’une semaine de résidence dans nos murs en juin dernier, Élisa Haberer est allée à la rencontre de quelques habitants de Labruguière et ses environs. Chacun d’entre eux l’a emmenée, à sa demande, sur un lieu qui lui est cher qu’elle a photographié tout en leur demandant d’exprimer leur attachement au lieu choisi. Une grande fresque photographique sous forme de paysage composite de très grand format est l’aboutissement de ce protocole de rencontre. Devant la fresque sont suspendus 400 fragments photographiques des lieux photographiés sous format miniature.

Deux travaux de la « période chinoise »

– Le premier, intitulé Moi, par l’autre, est une réflexion sur la représentation de soi ; que
donne-t-on à voir de nous-mêmes et comment l’autre nous voit dans le portrait ?
– Le second est un film documentaire, My Lucky Bird, où, pendant une année, la caméra
de l’artiste suit trois jeunes pékinoises de 20 ans, dans une période où leur vie connaît des
changements profonds.

 

 

ELISA HABERER

Photographe française d’origine coréenne, Élisa Haberer a commencé son métier de photographe en 2002 après des études d’ethnologie et de photographie. Elle consacre la fin de ses études en photographie à la photo de famille : elle en dégage la sémiologie et garde en tête l’exacerbation de l’intime qui s’y produit. Elle a ensuite une première partie de carrière dans la photographie de reportage qui répond à son besoin d’aller à la rencontre des autres, d’en faire leur portrait et d’en raconter l’histoire. Les deux éléments fondateurs sont ainsi réunis, qui vont guider l’artiste tout au long de son parcours de photographe : le sens de l’intime et l’instinct du récit.

Depuis plus de vingt ans, Élisa Haberer réalise de très nombreux portraits pour la presse française et internationale ainsi que pour des institutions publiques culturelles. Sa marque de fabrique est la marge de liberté laissée au modèle pour que naturellement il prenne possession de l’espace qui l’entoure, lequel révèle ainsi, dans cet abandon sous influence du sujet, l’espace de son intimité. Avec cette règle de la « juste distance » gardée avec le sujet, s’ouvre une réflexion sur la subjectivité et le regard sur soi. Le travail photographique d’Élisa Haberer devient alors un dispositif de réflexion sur la perception de soi par soi–même et par les autres. « Moi par l’autre », », série réalisée en 2009, marque une étape essentielle dans cette approche de l’intime et de la mise en question de la subjectivité.

Élisa Haberer va ensuite élargir sa démarche pour faire advenir l’identité du sujet dans le portrait : il ne s’agit plus seulement de capter ce que le sujet donne à voir de lui mais de confronter son image aux visions qu’il a de l’espace qui lui est propre. « Les couleurs des tumuli » (2017) est une série qui crée ainsi un itinéraire de pure subjectivité : d’une personne à un lieu puis d’une nouvelle personne rencontrée sur ce lieu à un autre lieu et ainsi de suite
jusqu’à ce que l’entrelacs des êtres et des lieux révèle un portrait intime de la ville de naissance de la photographe et de ceux qui ont marqué sa quête de retour à l’origine.

Poursuivant sa réflexion sur les mécanismes de la subjectivité à l’oeuvre dans l’image de soi, elle propose une combinaison des images qui, comme un reportage, créé un récit mais qui, à l’encontre d’un reportage, ne se construit sur aucun fait. Tout y est sujet à interrogation puisque
chacun peut y voir un récit qui lui est propre. Dans « La Maison de Bourgogne » (2021), série composée à partir de montage d’archives d’albums de famille et de photos contemporaines sur un lieu unique, le « storytelling » du reportage est latent mais il est mis au service d’une dimension créative, fictionnelle, poétique.

En 2022, Élisa Haberer réalise une « fresque photographique » à partir des témoignages d’habitants d’une commune du Tarn. A partir de ce que chacun a donné de sa vision de « sa place » au sein du territoire, la photographe reconstruit un espace totalement fictif mais qui donne à voir toutes ces visions subjectives d’un espace commun : dans cette pluralité des points de vue, le lieu tel qu il est pr é sent é n est nullement reconnaissable et pourtant chacun s y retrouve

Exposition produite en partenariat avec La Nouvelle Galerie à Cologne (32) et l’association Échos-ci, Échos-là à La Bastide-Rouairoux (81).