Festival "A ciel ouvert"

Chronophotographie et sports à l’ère du renouveau olympique

du 4 juillet au 5 octobre 2024

Photographies d’Etienne-Jules Marey, Eadweard Muybridge, Georges Demenÿ, Arthur Batut…

Vernissage le 4 juillet à 18h30

LES EXPOSITIONS

En cet été exceptionnel où Paris accueille les Jeux Olympiques , l’Espace photo-graphique Arthur Batut a choisi, pour sa 17ème édition du festival A ciel Ouvert, de revenir sur un moment de l’histoire où la photographie accompagne l’émergence des pratiques sportives modernes au tournant du 19ème et 20ème siècle.

Dans la galerie de l’Espace photographique Arthur Batut, sont présentés de nombreux clichés issus des expériences d’Eadweard Muybridge, d’Etienne-Jules Marey et de Georges Demenÿ, appliquées à la décomposition des corps en mouvement des sportifs.

En ville, entre le centre culturel Le Rond-Point et le jardin public, le parcours est jalonné de clichés d’Arthur Batut, grand amateurs de cheval et d’équitation, qui lui aussi consacra quelques recherches photographiques au saut du cheval. Enfin, dans le jardin public, quelques agrandissements de chronophotographies de chevaux marchant, trottant, galopant et sautant attirent le regard des passants festivaliers.

Dans l'espace public

Batut-trois cavaliers à En Laure-vers 1890
Arthur Batut - 3 cavaliers à El Laure - vers 1890 - Coll EPAB/AD81

Boulevard de la république

La double passion d’Arthur Batut pour le cheval et la photographie le conduisent à s’intéresser aux travaux sur la locomotion animale de Muybridge et aux chronophotographies du physiologiste français Etienne-Jules Marey. Ce dernier lui transmet quelques clichés de ses recherches sur le galop et saut du cheval que Batut projette lors de ses conférences et compare à ses propres investigations photographiques.

En plus des clichés équestres de Batut, quelques photographies de cavaliers issus des collections de la famille Fabre de Labruguière, de la famille Vène de Vielmur S/Tarn et de la famille Langlade de Montauban complètent le parcours.

Cheval au repos monté par cavalier. Chronophotographie sur plaque fixe / Etienne-Jules Marey, Albert Londe
E-J Marey et Albert Londe - Cheval au repos monté par cavalier - 1886 - Coll Collège de France

Dans le jardin public, quelques agrandissements de chronophotographies de chevaux marchant, trottant, galopant et sautant pour le plaisir des yeux du public estival.

Au jardin public

E Muybridge- Animal Locomotion - Twenty consecutive images of man riding a horse- coll Congres Library
E Muybridge- Animal Locomotion - Twenty consecutive images of man riding a horse- coll Congres Library

Dans la galerie de l'espace photographique ARTHUR BATUT

LE GESTE DU SPORTIF DÉCOMPOSÉ

Etienne-Jules Marey (1830-1904)

Etienne-Jules Marey est un médecin- physiologiste français connu pour son utilisation de la chronophotographie dans l’étude de ce que lui-même appelle « la machine animale ».

Avant même de se servir de la photographie pour ses investigations scientifiques, il commence, dès les années 1870, à étudier la locomotion de l’homme. Il imagine des dispositifs pneumatiques fixés à des chaussures préparées spécialement à cet effet qu’il appelle des « chaussures exploratrices ». Des tuyaux conduisent la pression exercée sur ces dispositifs jusqu’à un enregistreur à stylet et noir de fumée. L’étude porte sur la marche, puis sur la course, déterminant ainsi les trois données de ces mécanismes : « sa durée, ses phases et son intensité ». Dans les mêmes années, il met au point d’autres instruments tels que le « sphygmographe portable » qui mesure les pulsations cardiaques.

Ses recherches sur la locomotion animale l’amènent à s’intéresser plus particulièrement au galop du cheval dont la rapidité ne permet pas à l’œil humain de saisir tous les détails.  Marey constate que les savants et peintres qui représentent des chevaux au galop les quatre membres en extension au-dessus du sol sont dans l’erreur. La démonstration de sa thèse repose sur sa fameuse méthode graphique qui n’est pas encore de la photographie mais l’enregistrement de données graphiques (courbes, dessins etc.) obtenues à partir de dispositifs tels que des coussins pneumatiques disposés sur le sujet observé. Son ouvrage La Machine animale traduit en anglais attire l’attention de l’ancien gouverneur de Californie, passionné de cheval, Leland Stanford, qui confiera au photographe d’origine britannique, Eadweard Muybridge, le soin de confirmer la thèse de Marey en utilisant la photographie.

En 1882, Marey crée la station physiologique du Parc des Princes à Boulogne-sur-Seine, subventionnée par l’État. Cette même année, il invente la photochronographie, technique qui consiste à prendre en rafale des instantanés sur une même plaque fixe de verre enduite de gélatinobromure, avec un appareil de prise de vues muni d’un seul objectif, placé dans une chambre photographique mobile, qui opère sur des sujets clairs disposés devant un fond noir afin de pouvoir analyser avec précision les différentes positions des corps au cours d’un mouvement. La plaque de verre est exposée plusieurs fois très brièvement grâce à un obturateur rotatif tournant devant l’objectif, qui laisse passer le faisceau de lumière par intermittence.

Etienne-Jules Marey ; Georges Demeny - Homme nu vu de profil portant des haltères - chronographie sur pellicule mobile-1892
Etienne-Jules Marey et Georges Demeny - Homme nu vu de profil portant des haltères - chronographie sur pellicule mobile-1892-Coll Collège de France

Eadweard Muybridge (1830-1904)

Exact contemporain d’Etienne-Jules Marey, Eadweard Muybridge est un photographe d’origine britannique qui fit l’essentiel de sa carrière aux Etats-Unis.

Dans les années 1870, après avoir étudié la photographie pendant plusieurs années, il créé un studio itinérant spécialisé dans la production de vues stéréoscopiques qui permettent, avec une visionneuse du même nom, de voir les photographies en relief. Renommé en tant que photographe paysagiste, il réalise, entre autres, des reportages sur la guerre indienne entre le gouvernement américain et les Modocs, ainsi que les premières photos du parc national de Yosemite.

Son ami Leland Stanford, passionné par les chevaux de course, éleveur et entraîneur, offre un prix à qui confirmera la théorie d’Etienne Jules-Marey sur le galop du cheval en utilisant la photographie. En 1878, Muybridge dispose en ligne vingt-quatre chambres photographiques qui saisissent « Occident », le cheval de course du gouverneur Leland Stanford, galopant. Après de nombreux essais, Muybridge obtient le 18 juin les fameux clichés qui confirment la théorie de Marey : il n’y a pas décollage des quatre fers lors des phases d’extension du cheval au galop. Le décollage intervient en fait lors de la phase de regroupement.

Dès lors, Eadweard Muybridge se consacre quasi exclusivement au mouvement, animal et humain. Il reprend en 1879 le principe du disque tournant du belge Joseph Plateau, le phénakistiscope (1832), qu’il améliore en mettant au point le zoopraxiscope, qui recompose le mouvement par la vision rapide et successive des phases du mouvement. Ses travaux le posent en précurseur du cinéma. En 1887 est édité son plus important ouvrage, Animal Locomotion, en 11 volumes qui contiennent 4 202 photographies prises entre 1872 et 1885.

Si Etienne Jules-Marey fait usage de la photographie dans un but exclusivement scientifique, on ne peut en dire autant d’Eadweard Muybridge qui était photographe avant d’être scientifique. Sa démonstration sur le galop du cheval aura certes un grand retentissement dans les milieux scientifiques mais la variété des sujets qu’il traite avec son dispositif dans les années qui suivent montrent un attachement à l’image et à sa forme, au détriment parfois de la rigueur scientifique, qui font de lui un artiste plus qu’un scientifique.

E Muybridge - Athletes Back summersault- coll Congres Library
E Muybridge - Athletes Back summersault- coll Congres Library

Georges Demenÿ (1850 -1917)

Après des études à la faculté des sciences de Lille, Georges Demenÿ arrive à Paris en 1874, où il suit les cours de la Sorbonne et du Collège de France. En 1880, il crée le Cercle de gymnastique rationnelle et rencontre Etienne-Jules Marey. Deux ans plus tard il est nommé préparateur de la station physiologique du Bois de Boulogne par Marey et réalise, avec lui, de nombreuses plaques et films chronophotographiques.

Georges Demenÿ est la cheville ouvrière de la station physiologique à laquelle il va consacrer plus de dix années de sa vie. Homme à tout faire de la station, on le retrouve de nombreuse fois comme sujet des expériences chronophotographiques sur la locomotion humaine.

Il participe aussi activement au perfectionnement des techniques chronophotographiques ce qui le conduira, en 1892, à fonder la Société du Phonoscope et entreprend la fabrication d’une caméra chronophotographique à came battante, brevetée en 1893. La commercialisation de ses appareils entraîne la rupture avec Marey : celui-ci est centré sur la recherche pure (décomposition du mouvement) et n’apprécie pas les efforts que mène son assistant pour créer des applications pratiques de la recomposition du mouvement tel qu’il a été décomposé auparavant. Demenÿ installe alors son propre studio Villa Chaptal à Levallois-Perret.

En 1895, après la faillite de la Société du Phonoscope, Demenÿ parvient à faire commercialiser ses appareils par Léon Gaumont, qui vient de racheter le Comptoir Général de la Photographie. Le Phonoscope devient alors le Bioscope, tandis que la caméra chronophotographique est proposée sous le nom de Biographe.

A partir de 1896 et pendant une dizaine d’années, la came battante brevetée par Georges Demenÿ est utilisée dans tous les appareils cinématographiques construits par Gaumont, ainsi que dans de nombreux projecteurs anglais. En 1901, Demenÿ finit par céder à Léon Gaumont la propriété entière de son brevet et retourne à ses études sur l’éducation physique.

Georges Demeny - Film chronophotographique de 31 images représentant un combat de boxe française - Coll INSEP Iconothèque
Georges Demeny - Film chronophotographique de 31 images représentant un combat de boxe française - Coll INSEP Iconothèque